- Votre uvre a été jugée très
sévèrement par certaines personnes aux Etats-Unis. Votre
"Piss Christ" a suscité bien des remous. Comment percevez-vous
aujourd'hui la volonté de la part de membres de l'Eglise Catholique
de France d'établir un dialogue avec les artistes sur la thématique
de la Chair & Dieu?
Andres Serrano :
C'est un projet incroyable. C'est très intéressant. Par
delà les 'faux scandales', je pense que nous avons tous besoin
de balance et que les artistes jouent en quelque sorte le rôle de
balance au sein de la société. Ils montrent des voies et
c'est pour cela que l'idée de Dialogue est nécessaire. C'est
très important.
Sur le rapport entre la Chair & Dieu, des références
surtout cinématographiques me viennent à l'esprit. Je pense
entre autres à Luis Bunuel, Fellini, Almodovar
. Je me sens
assez proche d'eux.
Dans mon travail, je cherche toujours à atteindre l'audience du
plus grand nombre. Je ne transmets pas un message particulier. Au contraire
j'essaie toujours de laisser une lecture la plus ouverte possible. Il
est très important pour moi que chaque spectateur de mes uvres
voie ce qu'il veut y voir.
- Vous avez fait une série de photographies
avec des gens d'Eglise. Quel en était le sens?
Andres Serrano :
J'ai toujours un rapport très particulier vis-à-vis des
modèles que je choisis. Au début des années 90 quand
j'ai photographié des gens d'église, ce fut très
étrange. Lors des prises de vue j'avais beaucoup de mal à
les diriger, à les toucher. L'habit qu'ils portent est très
fort symboliquement. La notion de pouvoir véhiculée par
leur uniforme s'impose sévèrement. C'est ainsi qu'ils marquent
leur appartenance à un ensemble communautaire. Et du coup ils se
mettent par là en marge de la société. Le vêtement
marque d'emblée leur différence. La communication n'est
donc pas très évidente. C'est tout cela qui entrait en jeu
pour cette série.
- Pour illustrer la Chair & Dieu, vous souhaitez
que nous présentions votre série des Morgues, pourquoi un
tel choix?
Andres Serrano :
Les cadavres ici photographiés ne représentent pas pour
moi la mort mais bien au contraire. Ils sont pour moi très présents
- presque comme vivant. Il se dégage à mon avis une très
forte présence humaine de cette série. La chair se ressent.
D'ailleurs dans la plupart des photographies la couleur spécifique
de la mort n'est pas encore visible. J'ai avant tout cherché à
trouver la vie dans la mort.
- Pourquoi avoir choisi un tel contexte pour
réaliser des photographies?
Andres Serrano :
L'idée d'entrer dans une morgue a commencé à germer
en moi vers 1987-88. La mise en place de ce travail n'a pas été
évidente: comment entrer dans un tel lieu? Comment se positionner
une fois dedans ..?
J'ai été introduit dans une morgue par un de mes amis. J'y
ai travaillé près de trois mois. La première fois
cela fut très choquant. Je n'avais jamais vu de morts avant. Et
même si on m'avait mis en garde ce fut assez dur. On m'a dit que
certains photographes n'étaient jamais revenus après leur
première visite.
Pour ce travail, il était essentiel pour moi d'éviter tout
voyeurisme. Il y a un côté très prédateur dans
le fait de photographier des moi. Je pense avoir éviter cela en
ayant respecté totalement l'identité et l'intégrité
des personnes prises pour modèles: par le jeu de cadrages très
serrés, en ne prenant aucune vue d'ensemble. Le mystère
de leur mort est intact. Je ne dévoile aucun détail qui
donnerait une indication sur la nature de leur mort. Je ne cherchais ni
à savoir de quoi ils étaient morts, ni pourquoi
Comme dans mes autres séries ce qui était important pour
moi ici c'était l'idée de redonner une présence à
des gens qui sont pour une raison ou une autre passés dans une
autre réalité que la notre. C'est une manière de
leur redonner une existence. Qu'ils s'agissent de drogués, de sans
domicile fixe, de cadavres
c'est la notion de transcendance du réel
que je cherche à révéler dans mon travail photographique.
Enfin pour conclure je pense que je suis poussé par l'idée
de l'existence de Dieu, et être en ce sens un bon catholique.
....Vers
l'oeuvre.
..........Vers la présentation
de l'artiste ....
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